Magnifique Jura  

 

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Les Tourbières

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Parmi les milieux qui contribuent à la diversité des paysages francs-

comtois, les tour-bières ont une place de premier ordre et une valeur

patrimoniale tant sur le plan scientifique qu'esthétique. 361 tourbières

ont été recensées pour une surface de 2800 hectares qui se répartissent

en 108 sites pour les Vosges comtoises et 253 sites pour le Jura. Les

tourbières régionales ont une histoire qui commence il y a 15000 ans. Les

glaciers , ces sculpteurs de paysage, vont se réfugier dans les hautes

vallées des Alpes suite au réchauffement climatique, laissant des cuvettes

qui s'imperméabilisent progressivement, créant ainsi de petits lacs. Des

précipitations importantes (1,20 à 2 mètres/an - supérieures à

l'évaporation des sols et à la respiration des végétaux) sont nécessaires et

une moyenne de températures annuelles inférieure à 7°C est favorable.

Le froid ralentit la décomposition des débris végétaux sans entraver le

développement des mousses. Les végétaux colonisent donc

progressivement le lac glaciaire et les parties mortes des plantes

s'accumulent puis se transforment lentement en tourbe. Dans un

premier temps, la tourbe se forme en dessous de la nappe d'eau. Les

sphaignes, mousses à croissance verticale infinie, sont les chefs

d'orchestre de l'opération : pendant que la partie supérieure se

développe, la partie inférieure se transforme en tourbe. Capables

d'absorber plus de 30 fois leur poids en eau, elles forment des tapis

évaporant plus de 2 fois plus d'eau qu'un milieu d'eau libre ce qui

refroidit le milieu. Il n'est pas rare qu'il gèle en plein été! Sur la

tourbière, l'absence d'oxygène tue les bactéries ce qui rend la

minéralisation très faible et impossible un développement normal de la

végétation. La tourbe est donc un substrat organique très pauvre.

L'apport des tourbières est primordial dans le domaine de la

reconstitution des climats. Les conditions physico-chimiques qui règnent

dans ces milieux permettent la conservation des pluies de pollen depuis

des milliers d'années. On peut ainsi établir la succession des différents

peuplements végétaux pour une région donnée ce qui permet de

reconstituer les paramètres climatiques des différentes époques.

Une flore très bien adaptée

Pour pouvoir survivre dans ce milieu très particulier, les plantes ont

développé des stratégies très différentes : certaines (canneberge et

andromède) vivent en symbiose avec des champignons au niveau

racinaire qui leur permettent d'utiliser l'azote organique. D'autres

(rossolis, grassettes et utriculaires) sont carnivores; grâce aux

goutelettes visqueuses observables à l'extrémité de leurs poils, elles

attirent et piègent de petits insectes qui seront digérés au moyen

d'enzymes produits par les feuilles. Seule une infime partie de l'eau

présente étant utilisable par les végétaux, on ne s'étonnera pas de trouver

dans la tourbière des plantes adaptées à la sécheresse : bouleaux

pubescents et pins à crochets. La tourbière évolue d'ailleurs vers un

équilibre correspondant à une forêt de pins à crochet.

Une faune originale

Les libellules, magnifiques carnassières, sont bien présentes tout comme

de nombreux papillons dont certains fort rares (crambus alienellus

par exemple ou encore le nacré de la canneberge dont la chenille se

nourrit uniquement de cette plante). Les araignées sont bien

représentées mais on ne trouve aucune espèce de poisson. Reptiles et

amphibiens constituent la majorité des vertébrés présents parmi

lesquels il faut signaler la forme noire de la vipère péliade (pdf). Une

seule espèce de lézard est présente : le lézard vivipare qui garde ses

oeufs à l'intérieur du corps jusqu'à l'éclosion. Grenouilles et tritons sont

présents. En ce qui concerne les oiseaux, seul le pipit farlouse niche au

sol de la tourbière. Rares sont les mammifères hormis les rongeurs.

La tourbière du Nanchez à Prénovel

Outre la saigne des barbouillons de Mignovillard, le diaporama vous

propose un autre paysage de tourbière : celui de la combe du nanchez à

Prénovel. Localisé dans une combe marneuse étroite et s'étirant au pied

des flancs abrupts du Crêt des Bois, ce site présente trois petites

tourbières dont deux occupent le centre d’une dépression, quelques

fossés témoignant de leur exploitation passée. Les méandres du Bief de

Nanchez enserrent la troisième (Prénovel-de-Bise) avant de quitter la

combe par une cluse et disparaître dans une perte.

L’intérêt du marais de Prénovel réside surtout dans le

développement important de tourbières matures, peu

perturbées, ayant atteint un stade d'évolution maximum

que l'on estime stable à échelle humaine, en équilibre

avec les conditions hydriques et climatiques actuelles. Un

sentier d'interprétation a été aménagé et balisé

permettant à tout un chacun de découvrir à son rythme

ce milieu particulier.

Comme très souvent dans cette région, il convient de

revenir plusieurs fois sur le site à des saisons différentes

pour en apprécier toute la richesse de couleurs, d'ombres

et de lumières. Et peut-être aurez-vous la chance

d'apercevoir le cuivré de la bistorte ou l'azuré du

serpolet, deux papillons en grand danger d'extinction et

bénéficiant d'une protection nationale. Plus d'infos sur

la tourbière des Nanchez.

 

Les tourbières de Frasne

Avec 154 hectares, la réserve naturelle est la plus vaste de la région; elle se compose de zones de hauts-

marais mais aussi de bas-marais et de prairies paratourbeuses. L'importance de son patrimoine écologique

est d'ordre international car on y recense plus de 25 espèces végétales protégées. Notamment le saxifrage

oeil-de-bouc. Les oiseaux tels que le courlis cendré ou la bécassine des marais ainsi que les insectes

avec la leucorrhine à gros thorax sont également remarquables. Elle a été inscrite en 2003 avec la vallée

du Drugeon au réseau des sites de RAMSAR qui rassemble les zones humides les plus remarquables de la

planète.

Un sentier de découverte sur pilotis d'environ 800 mètres a été aménagé et des tables d'interprétation

expliquent l'intérêt de la conservation des tourbières. En dehors du sentier l'accès est interdit (protection de la

nature et dangerosité du site).

 

L'exploitation de la tourbe

Par sa composition (60% de carbone et 30% d'oxygène) la tourbe est un combustible au pouvoir

calorifique faible (50% de moins que le bois) et qui dégage fumée et odeurs désagréables. Elle fut

toutefois exploitée localement jusqu'aux années 1950.

Les tourbières comtoises étaient le plus souvent propriétés communales, exploitées avec un front

de taille unique et gérées selon un système d'affouage (un lot tiré au sort par famille). A la "seigne

des barbouillons" à Mignovillard, après extraction à l'aide d'outils spéciaux, les blocs sèchaient à

l'air libre deux mois durant, puis complétaient le bois de chauffage. Chaque famille disposait

d'environ 16 m3 par an.

L'industrie locale (verrerie, salines et métallurgie) utilisa également la tourbe comme combustible.

 

Téléchargez-moi!

 

➽  documentation : "réserves naturelles de Franche-Comté" (fascicule disponible gratuitement au conseil régional de FC),

➽ "la Seigne des Barbouillons", association à Mignovillard, pour son travail de protection de la tourbière du même nom.

➽ Site internet : L'intérêt des tourbières de FC ainsi que les atteintes aux tourbières. Documents téléchargeables.

➽ Recherche : dynamique du pin à crochet dans la tourbière de Frasne (pdf), tourbières : puits de carbone (pdf) - extraits du bilan 2004/2007 du laboratoire de chrono-écologie UMR6565

CNRS à Besançon, Directeur Hervé Richard.

➽ Mes plus vifs remerciements à M.R.Nodin, mon guide si passionné qui m'a fait découvrir ces magnifiques tourbières, milieu totalement à l'opposé du karst jurassien.