Magnifique Jura  

 

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Etranges lapiaz

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Nous avons vu dans les pages géomorphologie et karst comment s'est

formé le massif jurassien. L'érosion karstique a produit des reliefs très

particuliers que l'on trouve dans différentes régions. Dans le Jura, j'ai

déjà présenté le paysage des Malrochers près de Besain. Dans un style

voisin, les lapiaz jurassiens méritent le détour. Je vous invite donc à

découvrir les trois lapiaz principaux, très différents les uns des autres : le

lapiaz de Loulle près de Champagnole, le lapiaz des Chauvins dans

le Grandvaux et le lapiaz de la Haute-Joux.

Les lapiaz proviennent de la dissection des bancs calcaires par action

corrosive de l'eau. II en existe plusieurs sortes : nous trouverons sur le

plateau des lapiaz horizontaux ou faiblement inclinés où la dissolution

par une eau quasi-stagnante sera la plus active. Par contre, la chaîne de la

Haute Joux pourra présenter des formes beaucoup plus inclinées dans

lesquelles le rôle des eaux de ruissellement sera primordial. D'une

manière générale, les lapiaz jurassiens sont recouverts d'un sol et d'une

végétation ; rares sont les surfaces rocheuses totalement nues. Les lapiaz

du plateau de Nozeroy (entre autres) ont été étudiés par Pascale

Lafosse. Ce sont des lapiaz sous forêt où l'irrégularité et l'absence

d'organisation des cannelures sont la marque d'un calcaire compact, peu

fissuré. La croissance végétale est lente et produit un bois serré de bonne

qualité.

Le Lapiaz des Chauvins, dans le Grandvaux à proximité du village de

St-Pierre, est très différent : lapiaz de haut plateau (850/900m)

presque totalement dénudé, il présente une légère pente moyenne de 15°

environ. Il est soumis à des contraintes thermiques énormes : situé dans

un des pôles du froid (voir la page climat), il doit supporter des

amplitudes de températures de l'ordre de 80 à 90° qui renforcent la

corrosion dû à l'eau de ruissellement et à la neige. De ce fait, la roche

souffre et éclate parfois, offrant un paysage alternant dalles plates très

dures, peu entamées et éboulis de rochers. La dalle la plus à l’Est, la plus

proche du chemin d’accès, est la plus récente et la deuxième, à l’origine

du « beau » lapiaz est située en dessous dans l’échelle stratigraphique.

Ceci explique les différences d'érosion. Dans ce milieu extrême, la vie est

cependant présente. Quelques buissons, quelques conifères, quelques

herbes, mousses et lichens. Mais au fond des canelures (dont la

profondeur varie de 80 cm à quelques mètres, nous ne trouvons

quasiment pas de vie apparente. Lorsque la vie est présente, elle

"explose" littéralement : les buissons sont touffus, les conifères courts

mais épais, les graines et semences sont multiples, de manière à

compenser un taux de survie extrêmement faible.

Enfin le lapiaz de Loulle, certainement le plus beau. Dénudé sur la plus

grande partie, c'est une immense dalle calcaire légèrement inclinée (10°

environ) et sillonnée de failles et de crevasses. Point de rochers éclatés

ici, la dalle est quasi parfaite. Il est vrai que les conditions sont

meilleures qu'aux Chauvins : 800 m d'altitude, plage de températures

plus faibles, froid moins intense, précipitations moins importantes,

calcaire dur plus homogène. Toutefois, on a pu observer des amplitudes

de température de 50°c en une journée. Des algues microscopiques

naissent vivent et meurent puis se décomposent en formant une fine

couche d'humus qui se mélange aux poussières de calcaire. Plantes

grasses et graminées colonisent alors ce sol mince et se développent.

Plantes frugales, mousses et lichens tirent parti de la rosée. Leur

groupement en coussinet fonctionne comme une éponge et limite

l'évaporation. A la recherche de nectar, les papillons recherchent les

pelouses rases. L'Apollon se plaît semble-t-il dans cette aridité!

Et puis, peu à peu ce désert minéral se transformera en pelouse puis en

forêt. Revenez dans mille ans... mais avant, visualisez le diaporama!

Documentation : le mémoire de Pascale Lafosse - le site de R. Le

Pennec - remerciement à Rémy Limagne pour sa contribution.

 

Lapiaz :

Mot d'origine très ancienne que l'on trouve sous

diverses formes en suisse romande (voir Suter).

Indique la présence de roches calcaires ravinées,

éboulis, pierres plates. Patois lapié, pluriel lapiaz,

« éboulis, pierrier », latin lapis, « pierre »,

celtique *lapia, « dalle de pierre », racine indo-

européenne *lep-, « pierre, roche ».

 

Un peu de chimie!

Le CO2 contenu dans les eaux de ruissellement a pour origine le CO2

atmosphérique, mais aussi (et même surtout) le CO2 dégagé par la

respiration des organismes (organismes du sol présents au fond des

fissures, ou lichens encroûtant le calcaire). Ce CO2 "attaquant le calcaire"

est soustrait de l'atmosphère, et se transforme en ion HCO3- :

CaCO3 + H2O + CO2 --> 2(HCO3 -) + (Ca2+)