Jusqu'à la fin du 17° siècles la richesse de la forêt jurassienne était peu exploitée. Les moyens de communications sont faibles : Il n'y
avait que des sentiers, des chemins en mauvais état, des pistes impraticables. Les ponts sur les rivières, généralement en bois, sont
peu nombreux et mal entretenus; ils étaient emportés à la moindre crue. Enfin, la population à cette époque est peu dense :
Besançon, la ville la plus peuplée compte moins de 10.000 habitants ; Dole et Salins dépassent à peine 5.000. Les habitants
trouvent le peu de bois dont ils ont besoin dans les forêts avoisinantes. La conquête de la Franche-Comté par Louis XIV, officialisée
par le traité de Nimègue en 1678, va changer beaucoup de choses : l'annexion de la province stimule l'activité économique en
favorisant l'essor urbain. D'une marine en piteux état, Colbert, secrétaire d'état à la marine, veut créer une marine forte et a besoin
de beaucoup de bois pour cette transformation ambitieuse. Des commissaires de la Marine sont envoyés sur place en Franche-Comté
pour faire l'inventaire des forêts. Ils trouvent un volume considérable de très vieux arbres, puisqu'ils n'ont jamais été exploités, et de
très bonne qualité. Les besoins en arbres sont importants, mais comment faire pour acheminer ces grumes jusqu'à l'arsenal de
Toulon ?
Arrêtons nous quelques instants sur le flottage sur la Loue et sur son port, Chamblay, situé à 300 m en amont du pont sur la
route reliant Chamblay à Chatelay Chissey. Ce port servait à l'embarquement des sapins de la forêt de la Joux, très hauts,
d'excellente qualité qui sont les seuls bois permettant de confectionner les mâts qui doivent être d'une seule pièce, résistants et
suffisamment souples pour affronter les grands vents. Les feuillus (chênes) étaient utilisés pour la construction des coques,
intérieurs de navires, figures de proue, poulies, etc… Sur la route reliant Andelot à Censeau se trouve (encore aujourd'hui) le
carrefour " de la Marine " avec à sa gauche le maison forestière du même nom.
A partir de 1730, un trafic incessant d'attelages composés de plusieurs paires de
bœufs, acheminent les sapins jusqu'au port de Chamblay. Certains de ces résineux mesurent jusqu'à 40 m. Ces charrois
rencontrent d'énormes difficultés : chemins impraticables, relief accidenté, fondrières, longueur des bois, incidents techniques
expliquant la lenteur du déplacement. Par exemple, en 1730, pour acheminer 40 mâts à Chamblay, distant d'une quarantaine de
km, il fallut plus de deux mois et près de mille journées de paires de bœufs. Des centaines de bois arrivent au port de Chamblay
et sont entreposés sur un immense chantier, au bord d'un plan incliné facilitant leur mise à l'eau, dans l'attente qu'une crue les
emporte. Actuellement on peut encore voir au bout de la " Rue du port au bois ", située face à l'église, les vestiges du port dont on
distingue encore nettement le plan incliné servant à la mise à l'eau. Ce port est totalement à sec car la Loue est une rivière
extrêmement capricieuse et le bras de rivière qui passait par là a totalement disparu. Le flottage se fait à l'aide de radeaux
constitués de longs bois attachés entre eux par des cordages et reliés à des perches
transversales fixant le tout. Une perche passant au travers et fixée à cet ensemble, permet aux
radeliers, véritables gondoliers, de les diriger. Des dizaines de radeaux attendent que la crue
les emporte : 700 radeaux descendront ainsi la Loue en 1865, puis la Saône et le Rhône.
A Chamblay où plus de cent personnes vivent du flottage, le port prospère pendant près de
trois siècles. Par la suite, les bois jurassiens alimentent les villes du Midi et les centres
industriels de la vallée du Rhône, en plein essor, pour le chauffage et la construction. Le flottage
du bois sur la Loue disparaît au début du 20° siècle, le chemin-de-fer offrant un moyen de
transport plus sûr, plus régulier, plus rapide, et moins dangereux pour les hommes. (source :
conférence de M Lejeune au rotary-club de Arbois-Poligny-Salins)